6.7.07

ΕΝΑ ΛΟΑΤ ΠΑΙΔΙΚΟ ΔΙΗΓΗΜΑ ΑΠΟ ΤΟ ΒΕΛΓΙΟ

Από το Βέλγιο έχουμε λάβει την ακόλουθη επιστολή: .
Bonjour à tou.te.s.
J´ai le grand plaisir de vous faire parvenir en primeur une nouvelle de Luc le Belge qui sera bientôt mise en ligne sur un (des) site.s gratuit.s en ligne de littérature lgbt (voir le fichier attaché).
Je serais heureux de recevoir vos impressions, vos critiques, vos commentaires, vos suggestions...

Au cas vous seriez intéressé.e.s par la lecture d´autres nouvelles du même auteur, faites- le nous savoir.
Au cas où vous connaîtriez d´autres personnes que cette lecture pourrait intéresser, merci de nous en aviser.
Si vous connaissez des filières de publication (revues, journaux, éditeurs, etc.) ou d´utilisation, faites-le nous savoir. Il n´y a aucun but lucratif, simplement le plaisir du partage de l´écriture.
Bonne lecture, merci et à bientôt.
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Ολόκληρο το διήγημα μπορείτε να το διαβάσετε στο πρώτο σχόλιο του ποστ.

2 σχόλια:

erva_cidreira είπε...

Lea Zar
Une nouvelle de Luc le Belge
-Zar, au tableau
La petite fille ne réagit pas, elle est restée assise, impériale. Sous les cheveux coupés en brosse et le front plissé, les sourcils rapprochés soulignent le regard fixe et les muscles se sont ramassés en boules à la jonction des mâchoires.
La professeure répète l’ordre, avec plus de fermeté, et la petite fille serre davantage les poings et enfonce ses ongles coupés ras dans le gras de ses pouces.
La classe observe, on rigole un peu de ci de là. On teste la prof intérimaire qui manque d’expérience. Madame, elle, ne s’y serait pas laissé prendre, mais voilà, elle a eu son bébé et se repose.
Une gamine lève le doigt et dit :
-On dit Tzar, Madame, c’est Léa Tzar, elle répondra pas si vous l’appelez pas par son vrai nom. C’est Lara, une petite noiraude qui a parlé.
Léa n’aime pas son nom, ni son prénom. Cela fait étranger , d’ailleurs, c’est étranger, et on ne manque jamais de le lui rappeler.
Elle préférerait qu’on l’appelle Léo, Léo Zor, avec des o bien ronds, comme le ballon de foot qu’elle a reçu pour son anniversaire. Et pourquoi pas Léo Zorro ? Souvent, elle part seule dans le bois communal, là où il y a les grandes ravines. D’un vieux bas nylon roulé elle a fait un bandeau avec deux trous pour les yeux. Elle devient Léo Zorro le Rédempteur. Alors elle se lance à l’assaut des pentes terreuses de la ravine en s’agrippant aux grosses racines qui ont en crevé les parois abruptes et part délivrer la belle prisonnière aux longs cheveux noirs et au regard de braise enfermée là-haut, dans la cabane des forestiers transformée pour l’occasion en prison du sergent Garcia. Ses ongles, qu’elle taille au coupe-ongle, au carré, sont souillés de terre, des plaques de glaise lui collent aux genoux, mais elle s’en fout, juste un petit moment elle s’en fout, elle se lâche, il n’y qu’ici qu’elle se sente bien, elle est Leo Zorro le Rédempteur et la belle captive aux longs cheveux noirs luisants va lui mettre un baiser sur les lèvres lorsqu’elle l’aura délivrée.
-Tzar, au tableau, l’intérimaire a presque crié.
Léa a l’air de s’animer mais garde son air buté, la lèvre inférieure un peu tendue vers l’avant, boudeuse. Elle se lève et va se camper face à la classe, avec un air de défi.
-La table de division par neuf, dit la professeure, d’un ton déjà radouci. Dans le fond elle aime bien la petite fille qui a l’air d’un garçon, mais elle ne veut qu’on résiste à son autorité.
- Quatre-vingt-un divisé par neuf, neuf, soixante-trois divisé par neuf, sept, quarante-cinq divisé par neuf, cinq, vingt-sept divisé par neuf, trois, neuf divisé par neuf, un.
Toute la classe pouffe, des rires fusent, et puis c’est la déferlante du chahut.
-Silence, SILENCE
Léa est toute blanche, elle n’est plus qu’une corde tendue, et ses cils s’humectent de larmes, mais elle ne pleurera pas, elle crâne. Pour défier la nouvelle maîtresse, Léa Zar, qui fait bien les choses, a inventé la table de division par les nombres impairs.
-Reprends, Léa, toute la table, dit calmement. L’institutrice a compris que quelque chose de bizarre se passe. Elle essaye de ne pas brusquer davantage l’ enfant tout en s’efforçant de garder la main sur sa classe.
-Quatre-vingt-dix divisé par neuf, dix, quatre-vingt-un divisé par neuf, neuf, soixante-douze divisé par neuf, huit,…
Le rire secoue à nouveau la classe. Mais la professeure choisit de féliciter Léa, qui a fini par réciter correctement la table. Elle en profite pour expliquer que , selon les pays, il y a plusieurs manières de dire les nombres : octante et quatre-vingt, septante et soixante-dix, nonante et quatre-vingt-dix.
- Elle vient de France, c’est des immigrés, c’est pour ça.
- Zar elle est bizarre, s’esclaffe un autre.
-Elle fait son intéressante, a lancé Gros Léon, elle sait pas quoi inventer pour se faire remarquer.
-Ouais c’est vrai, d’ailleurs elle veut jouer au foot avec nous. C’est Ptilouis, le voisin de Gros Léon. Il vit dans son ombre de Gros Léon et est de tous les coups.
-Remarque, elle joue super bien, elle a mis des goals.
-Même que Gros Léon il était pas content.
Tous les garçons se sont mis de la partie, chacun veut avoir son mot à dire
-Cela suffit ou je mets toute la classe en retenue mercredi après-midi ! La prof s’est fâchée tout rouge et la classe, surprise, se calme. Mais Gros Léon ne lâche pas le morceau, il en veut à Léa, elle lui a mis des goals, une fille !, lui, le gardien de but invaincu.
- C’est une gouine, M’dame, râle encore Gros Léon, dans une tentative de trop pour s’imposer.
-Léon, retenue mercredi après-midi. La prof a détaché les syllabes sur un ton froid en regardant Gros Léon droit dans les yeux, elle est retournée s’asseoir à son bureau, a pris le cahier de retenue et s’est mise à écrire alors que la classe retenait son souffle et observait Léon, qui n’a plus osé répliquer.
Le directeur a averti l’intérimaire : tolérance zéro pour les insultes. L’école a reçu cette année le prix Ecole sans racisme, on ne rigole pas avec ces choses-là ici. Léon a franchi une barrière interdite. Il devra venir en retenue.

A midi, il est rentré à la maison et a tout raconté à ses parents. Le père, cela lui a tourné les sangs, il a raccompagné Léon à l’école et exigé de voir le directeur, sur-le-champ.
-Qu’est-ce qui sait cet enfant à son âge, à onze ans on sait rien de la vie et de ces choses, d’ailleurs cette gamine, elle a pas l’air normale, remarquez, à votre place je la laisserais pas traîner avec les autres filles, et jouer au foot, vous trouvez cela normal vous, d’ailleurs ces gens n’ont qu’à retourner dans leur pays, on a déjà assez d’emmerdes avec les nôtres, on n’a pas besoin d’eux ici, , vous verrez ce que vous verrez aux prochaines élections…
Très calme, le directeur maintient la retenue. La soupe au lait retombe et le père de Léon se retire, les épaules rentrées.
-Ces gens ne font qu’apporter des ennuis, faites ce que vous voulez, mais vous verrez que cela finira par tourner mal…

A la sortie des classes, Léa s’est approchée de Lara, soudain un peu timide.
-Je peux te raccompagner un peu ?...Tu sais, je voulais te dire merci pour ce que tu as fait. Ya personne qui avait fait cela pour moi avant.
-On va être amies alors, a dit Lara d’une voix douce et émue, comme si elle aussi n’avait attendu qu’une occasion pour se rapprocher de la nouvelle.
-Juré promis pour la vie. Léa a levé la main gauche, la paume tendue, elle a regardée Lara au plus profond des yeux puis elle a craché par terre.
-A la vie à la mort, on est amies pour toujours.

Le mercredi, au foot, comme Gros Léon faisait sa retenue, les garçons ont demandé à Léa de le remplacer au goal. Elle n’a pas encaissé un seul but de toute la partie. Lara, qui traînait là par hasard, a regardé le match et était toute fière. Et les garçons ont fait la fête à sa nouvelle amie.

Le mercredi suivant, Gros Léon n’est pas venu au foot. Louis non plus d’ailleurs. Mais on a joué quand même, à neuf contre onze et on s’est pas mal débrouillé.
-On a trouvé mieux !, a dit Gros Léon, maintenant on joue au 421 et les filles sont pas admises ! C’est vrai qu’on raconte qu’il se passe beaucoup de choses dans la cabane au fond du jardin des parents de Gros Léon, les dés roulent dans le bac, on fume des lianes séchées et même parfois une cigarette, Louis apporte de la bière qu’il chipe dans le garage de son père… Parfois il y a un petit flacon de vodka.

A la récré, la bande à Léon se réunit en un petit cercle sous le platane, personne n’est autorisé à s’approcher. Après l’école, s’ils viennent à croiser Léa et Lara, ils parlent très fort entre eux.
-Regardez la gouine et sa salope. On aime pas les gouines, nous, on est pas des pédés.

Tous les mercredis après-midi, Léa joue au foot et Léon joue aux dés. Lara apporte souvent une grande bouteille d’orangeade pour les joueurs, Louis apporte la bière. Le monde semble avoir retrouvé son ordre, et en classe, Léon n’embête plus Léa.
Les garçons appellent Léa Léo. Léo, le lion, l’empereur du foot, et Lara est fière de son amie à qui on ne met presque aucun but.

Les mercredis s’enfilent et se ressemblent. On est presque à la fin de l’année. Léo et Lara rentrent du match de foot. Lara porte un sac en plastique avec les vidanges de deux grandes bouteilles d’orangeade qu’elle veut rapporter au supermarché pour récupérer la monnaie. Léo n’aime pas le supermarché, elle attend à l’extérieur pendant que Lara se rend à la caisse.
-Léo, Léo, ya la bande à Léon…Le grand Marco, Spirou, Ptilouis…
Lara est essoufflée, elle a couru depuis la caisse.
-Ils t’ont embêtée ?
Léa est tout de suite en alerte.
-Non, non , c’est le contraire, ils nous ont invitées, ils nous invitent à venir les regarder jouer aux dés dans la cabane de Léon. On y va?
Léo hésite, regarder jouer ! et puis quoi encore ? si on y va, elle veut jouer avec les autres, il n’y a pas de raison, mais au fond d’elle-même elle se sent fière de pouvoir entrer dans le clan des garçons, c’est rien que des grands ! Les deux petites filles rejoignent le groupe qui les observe de l’autre côté du parking. Lara, elle, est pour la réconciliation et la paix des ménages, cela crie assez tous les jours entre son père et sa mère, parfois le père cogne, et elle a tellement peur des violents qu’elle ferait n’importe quoi pour que les gens deviennent gentils.

On ouvre la bouteille de vodka que le grand Marco a achetée au supermarché, il a toujours un peu plus d’argent que les autres dans les poches et son père a une grosse voiture. Gros Louis explique que pour faire partie du groupe, il y a des épreuves à passer. On va leur bander les yeux , elles devront avaler d’un coup un petit verre, puis on leur mettra des vers et des limaces dans la bouche, elles ne devront pas mordre dessus, mais juste les sucer comme on suce un bonbon. Si elles ne crient pas, si elles ne pleurent pas, elles seront jugées dignes d’entrer dans la bande.
-C’est cool, dit Léa.
-Ca va, dit Lara, qui a l’air moins rassurée, mais n’ose pas contredire son amie.
-On va jouer aux dés pour savoir qui fera le Grand Exécuteur, c’est lui qui vous mettra les limaces et les vers en bouche. Le perdant de la partie aura un gage : il devra aller chercher les limaces et les vers de terre au jardin. Les autres feront le jury.
-La vodka avant, vous verrez, avec ça les limaces ont moins de goût…c’est presque comme des escargots ou des huîtres.
-T’as jamais mangé d’huîtres, menteur
-Si, y en avait à la communion solennelle de mon grand frère…
Au deuxième lancer de dés, Gros Léon a un 4 et un 2, mais le troisième dé s’ est arrêté sur une de ses arêtes, le 1 sur la face supérieure.
-421, j’ai gagné dit Gros Léon.
-Cela compte pas, tu dois recommencer…
-Ta gueule ! dit Gros Léon d’un ton menaçant.
-Bon, bon, ça va, je dis ça je dis rien.
Gros Léon est Grand Exécuteur, Ptilouis, qui a fait le moins de points, se colle la chasse aux limaces et aux vers. On place les fillettes à genoux sur la terre battue. Gros Léon, très solennel, leur met des bandeaux sur les yeux puis leur fait boire un petit verre de vodka rempli à ras bord.
-Cul sec , qu’il dit.
Mais Lara n’y parvient pas, elle avale en plusieurs coups, et Léa a les larmes aux yeux tellement c’est fort.
-Elle doit recommencer, dit Marco
-Non, cela compte, elle a tout bu, fait Spirou, magnanime.
Ptilouis n’a trouvé qu’une limace, mais plusieurs vers de terre.
-Ca fait rien, elles n’ont qu’à sucer la même limace, il ricane.
La Grand Jeu continue : Gros Louis introduit une limace dans la bouche de Léa
-Suce
Et Léa suce et surmonte son dégoût, elle vaincra, elle fera partie de la bande à Gros Louis !
-Maintenant les vers.
Gros Louis récupère la limace et fourre deux gros vers de terre dans la bouche de Léa, mais la gamine ne supporte plus le jeu et elle finit par les recracher.
-Cela compte, dit Spirou, plutôt impressionné. Elle peut faire partie de la bande. Lara maintenant.
Lara supporte la limace et la suce rien que parce qu’elle sait qu’elle vient de la bouche de son amie. Ptilouis, qui est ressorti, revient avec d’autres vers, mais Lara se met à gémir et les refuse. Marco insiste, mais Lara refuse toujours.
-Vas-y, c’est presque fini, l’encourage Léa, qui a ôté son bandeau..
-J’peux pas.
-J’ai une idée, dit Marco, et il se met à déboutonner son pantalon, et en sort une longue chose rose et molle qu’il fourre sous le nez de la gamine.
-Tu préfères ce vers là ?
Léa a poussé un rugissement de fureur et s’est mise à frapper les garçons. Lara a arraché son bandeau et se met à hurler, un long cri qui se répand dans tout le quartier, un cri qui vient des intestins et d’une longue lignée de femmes battues et souillées.
-C’est trop, arrêtez, dit Ptilouis, c’est plus le jeu…
-Vos gueules, si mon père entendait, dit Gros Léon.
- Le premier qui ose encore la toucher aura affaire à moi. Léa pousse son amie vers la porte entrouverte de la cabane.
Gros Léon essaye de la rattraper, mais il tombe nez à nez avec sa mère qui est accourue au jardin.
-Et ça va, maman, ya rien, on voulait juste jouer…
-Tu es sûr que tout va bien mon chéri ? Ne traînez quand même pas trop, tu sais que ton père n’aime pas que vous vous enfermiez dans sa cabane.

Lara ne reviendra pas à l’école, paraît qu’elle a des migraines, qu’elle vomit tout le temps et qu’elle a maigri. Peut-être que l’école devrait envoyer l’assistant social. Sa mère a interdit l’entrée de la maison à Léa. Mais le temps passe, les grandes vacances sont arrivées et l’école a oublié Lara.
A la rentrée, suite aux conseils du directeur, on a changé Léa d’école. On a gardé Gros Léon, il est redevenu keeper de l’équipe de foot et règne sans partage sur la classe. La maîtresse est revenue et son bébé va bien, paraît même qu’elle en veut un deuxième. On a déjà oublié l’intérimaire. Ptilouis a tellement grandi qu’on l’appelle Louis à présent.

Léa est retournée au bois communal, elle joue à nouveau toute seule, elle est Léo Zorro et elle délivre la belle Lara des griffes du sergent Garcia qu’elle imagine avec les traits de Gros Léon. Elle s’est acheté un couteau à cran d’arrêt qu’elle porte toujours sur elle à présent, pour se défendre et pour défendre toutes les Lara du monde. On ne la surprendra plus jamais mal armée. Dans le bois communal, Léo Zorro joue à dépecer le sergent Garcia, elle lui coupe le zob, elle lui tranche les couilles, elle l’écorche vif. Garcia meurt dans une lente agonie. Elle se dirige ensuite vers la cabane du forestier où elle a emprisonné les acolytes du sergent Garcia qui sont ligotés et bâillonnés et qui pleurent, ils ont les traits du grand Marco, surtout du grand Marco, -pour Marco, elle fait comme pour Garcia, mais avec plus de raffinement-, puis, s’il lui reste du temps, elle s’occupe de Spirou, et de Ptilouis, aussi.

Un coup de dé
Jamais
N’abolira
Lea Zar

erva_cidreira είπε...

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